La nuit est là, il est deux heures et demie du matin, je te suis. Tu ne le sais pas. Nous sortons du même endroit, chacun sa route a priori.
Le bruit de mes talons résonne sur le trottoir, vif, clair, pervers. Tes petites chaussures de jeune homme de bonne famille frôlent les pavés sans un fris-son, tu files et rases les murs. J’accélère le pas. Tu n’as pas conscience de ce qui se trame, et continues tranquillement, les mains dans les poches.
Je regarde ta nuque de loin , le cheveu qui ondule, avec la chaleur. La lumière blafarde des réverbères te donne un teint plus pâle encore, peau blanche sur murailles grises.
Mes talons se font intrépides, j’imagine leur musique dans tes oreilles :
tac tac tac tac tact tact tact tactile tic tact tact tac tac.
Un rythme s’installe et se joue entre mes bouts carrés et tes semelles molles.
Mes pas s’allongent, et les tiens, je le vois, se font traînants, entraînants, comme un ralentissement de la respiration, un mouchoir qu’on laisse tomber, un appel … Tu n’es plus qu’à cinq mètres de moi. Je vois tes fesses se balancer dans ton jeans sexy de dandy. Je promène mes yeux sur ton corps à la fois musclé et androgyne. Tu serais une femme camionneuse et plate, mais tu es un homme élégant … Etrange paradoxe.
Je te suis à quelque mètres, et le malaise s’installe. Je vois à ta nuque que tu prends peur, tu es la proie, et tu le sais. Cette certitude te fait serrer les fesses, et pourtant, tu sens ton sexe se raidir. Tu réussis l’exploit de combiner peur et désir, sans savoir lequel des deux va l’emporter. Accélérer le pas et fuir ? Tu ralentis. Tu es un homme mort.
Je tends le bras, attrape ton coude avec urgence. Tu sursautes, tu sais que les minutes qui viennent vont changer le cours des choses. Je te serre par le cou, et te colle au mur. Je vois l’étincelle de panique dans tes yeux quand j’attrape tes attributs d’une main volontaire. Plaqué contre la pierre froide, tu écartes les jambes. Je détache la ceinture de ton pantalon, ton sexe est raide. Je déboutonne les derniers remparts de tissu. Tu sais que tu ne pourras pas contrôler la situation, tu n’essaies même plus de résister.
Et là, tout en te regardant dans le blanc des yeux, je mets mes lèvres autour de ton sexe. Ma langue humide se charge de tout, tu décharges, pas grand-chose, un instant d’oubli peut –être.
Je me relève, te laisse le pantalon sur les chevilles, et m’en vais, d’un pas clair.
Tac tac tac tac tact tact tact tact tact tact toc tic tac.