Stoïcienne du cul

Oh tu me plais, oui. Ces lignes claires, ces mots enivrants, cette excitation électrique au creux du ventre qui fait perdre le Nord… Je sais reconnaître le désir quand il me possède.  Ton audace est magnifique, ton envie explicite ou murmurée délicieusement flatteuse. J’y prends grand plaisir, et ce frisson au creux des reins me rappelle combien la légèreté et l’exaltation sont plus efficaces que le café pour me garder éveillée tard le soir, m’inspirer les mots du sexe les plus sincères, et me coller sur la face un sourire presque dérangeant dans ce monde gris trouble. Pourtant, je me dois d’être honnête et franche et d’arracher les doutes comme le sparadrap, d’un coup net et radical, ça fait moins mal…

Nous ne baiserons pas ensemble. 

Pourquoi pas ? J’aurai plus de plaisir à garder ton souvenir intact qu’à te baiser. Je  préserve le désir, la curiosité, la faim plutôt que de les noyer dans le remord ou l’écoeurement. 

Vois-tu, c’est le choix fondamental. Je ne coucherai pas avec toi car je ne veux pas te décevoir ou, pire, je ne voudrais pas que tu me déçoives. Et cela ne dit rien de toi ni de moi : on peut maîtriser toutes les techniques, avoir toutes les aptitudes et les charmes requis, et que ce soit un cuisant échec le premier soir. Ca n’en vaut pas la peine. Un one shot ferait du héros que tu es un souvenir vague, perdu dans la masse des plans Q foireux. 

C’est rude, cette idée qu’avant même d’avoir goûté à tes lèvres, je sais que la rencontre de nos corps ne sera pas à la hauteur de mon désir.

Voudrais-tu te satisfaire de l’ordinaire ? Moi pas. C’est mon éternelle question philosophique, mon rempart et mon armure. C’est là ce qui me protège du feu : je préfère un désir sublime à un plaisir piteux. Même si l’envie me taraude, si le désir me brûle d’une aventure éphémère, je sais que le temps fera sur ces flammes l’oeuvre qu’il fait sur le carbone ou le sable. Préfères-tu rester diamant ou brûler charbon ?

Pour un feu de paille, je ne perdrai pas mon temps à remplir tous les rites du pré-sexe, les sourires, les messages érotisants, l’épilation radicale, les premiers émois des doigts qui frôlent le sein, le choix de la robe, avec ou sans culotte, le coeur qui bat la chamade quand le téléphone vibre enfin, les échanges de numéros, la politesse au restaurant, ta langue dans ma bouche qui goûte la vin, tes doigts maladroits entre mes lèvres, ton odeur à apprivoiser, ton souffle dans mon oreille qui me donnera envie de fuir, ton angoisse du sexe droit, ma pudeur décalée, mon goût de la lumière tamisée, de l’eau  et de la peau qui claque parfois, ton hésitation, mon besoin d’entendre les désirs, ton vocabulaire grossier et peut-être un peu pauvre, mon agacement, ta précipitation, tu veux dire quoi par c’est fini ?  

Sache-le : la spontanéité, c’est surfait. Et si l’envie me prend de couvrir tout ton corps sauf ton sexe pour en faire un festin de reine, et que je n’ai pas l’ombre d’un foulard ? Et si je rêve d’une lutte lubrique, les corps barbouillés d’huile, mais qu’il n’y a pas l’ombre d’une olive à presser* ? Il faudra quand même différer l’envie. Je choisis plutôt de l’organiser, et de partir à l’aventure en prêtant foi au deuxième soir plus qu’au premier.

Car là peut-être se trouve la solution: concevoir le rendez-vous parfait, une sorte de “café – sexe  – café” absolu, dont l’élément sexe explorerait sans réserve les mille et une variantes du plaisir physique. Et pour cela, un coup d’un soir ne suffit pas, baby. Il faudrait lister les envies dans un joli carnet à couverture de cuir, et les explorer avec méthode. Se donner les moyens de les satisfaire, peu importe le lieu, la fantaisie, le coût, le temps. Tu vois, cela prend le chemin d’une aventure bien plus que d’un instant. 

Construire le plaisir comme on savoure le désir, parfois en deux lignes, parfois en cent pages. S’inventer des lieux , des histoires, des voyages, être qui on veut, jouir en trois minutes ou pendant douze heures, s’autoriser le plan foireux, la soirée ratée, la demi-vaillante, puisque l’instant n’est qu’un parmi d’autres, une exploration lucide des possibles sans la pression de l’unique.

Les sept positions en onze minutes n’ont pour moi aucun charme et ce n’est pas ta magnifique bite ou tes seins plantureux qui feront la différence. Si tu veux faire ce chemin avec moi, il te faudra d’autres arguments, des failles, des rêves et les reins solides. Ce qui me plaît, c’est qui tu es, ce que tu dis, comment tu vis le monde, les routes que tu explores et celles qui te plaisent, ton carnet en cuir.  Montre-moi qui tu es quand on baise, ou cela n’a aucun intérêt.

Et tandis que je danse, mes hanches dessinent l’infini.

 

 


*Astuce pour l’envie n°63 : laisse tomber l’huile d’olives, rue-toi plutôt sur les nouveaux produits “Slow sex” de Bijoux indiscrets. Pas besoin d’un seau de gras pour jouer les lutteurs sexy avec ton/ta lover. 


Musiques

Je me repose (Dalida, Aarno, Ibrahim Maalouf :ma trilogie sacrée)

Everybody’s fucking but me (Durwood)


Note de l’autrice

Ce texte fait écho à deux ou trois choses lues sur Twitter, dans les gazouillis de Calin Poilue, Mermaid, JusteMissSab et Camille Eelen. Suivez-les, il et elles sont belles.