Je raconte, Monsieur, l’instant libre, le temps volé. Je connais le chemin, nous le connaissons tous, entre la naissance du désir, le manque, la jouissance, et l’oubli. Nous descendons du carrousel quand nous le souhaitons. Au premier tour, avant même de vous rencontrer. Pour ne pas vous rendre réel, et vous garder parfait. Me nourrir l’imaginaire, ronger les rêves jusqu’à l’os, les doigts souillés et les mots délicats. Au tour d’après, avant de vous embrasser. Ou avant de vous caresser, de vous accueillir dans ma bouche ou dans mon ventre, avant de vous baiser, avant l’amertume.
Je savoure le carrousel, Monsieur, je n’ai pas épuisé mes élans de vitesse. Je préfère avaler votre sexe jusqu’à la garde, ressentir le manque quand mon ventre cherche vos mots, crier l’extase à vos coups de butoir contre mes fesses écartelées, et goûter l’amer du lit vide au petit matin.
Avant cela, avant l’agrume ou le citron, avant l’ivresse de Bergerac, avant la sueur sur votre colonne vertébrale des heures hors temps, il y a les mots.
Sortir les mots de dessous la peau, là où nait le frisson, là où glissent vos doigts. Je force l’exercice, lucide, alors que vos cuisses s’enroulent autour de mes hanches. Nommer la fièvre qui nous consume. Ecrire l’histoire, et puis se laisser surprendre par la jouissance, à râler de plaisir, à convulser d’un cri. Penser puis oublier la décence, pécher de gourmandise à vos sens entendus. Choisir les corps pour rêverie, réinventer le jour avec deux heures de plus, deux heures de luxure joyeuse, de corps exaltés, deux heures pour se rassasier.
Contrôler jusqu’à l’entrée dans la chambre, le choix du jour, de l’heure, la ville. Et puis la fragilité du regard.
Votre nu troublé, votre sexe dressé, mon sein caché. Le corps retrouvé, après des semaines voilées, entre patience et luttes intestines, entre austère rigueur et fantaisie sublimée. La lumière de l’été, et votre avidité.
J’ai posé la main sur votre ventre. J’ai embrassé votre hanche. J’ai murmuré à votre oreille des choses indécentes, de ces fantaisies qui n’ont pas droit de bouche, de ces cochonneries que l’on ne partage pas, de ces mièvreries délicates auxquelles on ne croit pas. Vous savez que je mens. Ici, et maintenant, votre sexe se tend. Dehors, je nierai jusqu’à connaître votre nom.
Baisez-moi s’il vous plaît.
… un des plus tendres et des plus doux. Merci…
Magnifique. Comme souvent.