Je te parle un peu de sexe, lecteur, lectrice. Et je t’en parle ici, hors fiction, hors désir, hors envie. Même si ça suinte de tous mes mots, l’émerveille, ce n’est pas ce qui compte maintenant.
J’ai visité cette expo. Oui, celle-là qui parle de l’homme nu dans l’art, et qui raconte bien des histoires.
Il y a tous ces corps, ici, là, au détour d’une allée, dans un recoin. Des corps lisses, athlétiques, imposants, divins, aux proportions parfaites. Parfaites ? Pas tout à fait.
On y voit de ces hommes nus, aux arrondis magnifiques, aux fesses charnues, musclées, appétissantes, aux peaux moirées de marbre, aux mains à cueillir un cul dans une paume… et, hélas, ce grand absent.
Le sexe des hommes.
Souvent cassé. Pas juste ébréché, entendons-nous. Ni fracturé. Mais bel et bien sectionné, laissant une pierre granuleuse là où mes yeux cherchaient une hampe lisse, droite, vigoureuse. Je ne vous ferai pas un cours d’histoire, je n’en ai ni les compétences, ni le goût. Mais le 17e a tout de même eu le mauvais goût de masquer ces sexes que je voudrais voir. Mon goût de la langue m’amène à trouver presque drôle qu’avant la feuille de vigne, il était d’usage de masquer verges et autres vits de feuille de figuier…
Et puis, premier coup de coeur, mais est-ce une surprise ? Là où les femmes dessinées par Egon Schiele me fascinent depuis toujours, l’émotion rude écorchée de ses auto-portraits m’amène presque à l’amour… Terrible peau de vie, et regard blessé.
Et seconde pâmoison, une esquisse, un trait pur, reconnaissable entre mille, et pourtant il m’est impossible de le retrouver sur la toile, quelques traits bleus, de Matisse ou Picasso, la mémoire m’échappe, sans détail, sans fioriture, d’un homme allongé, tenant son sexe. Quasi le seul tableau où la sensualité du corps se fait ligne claire, évidence, épure et donc universelle. Si tu me retrouves ce tableau, lecteur, lectrice, je t’aimerai à vie.
Oh, j’avais écrit toute une réponse, et mes doigts maladroits l’ont effacée.
Bref, oui, elle questionne, cette expo. Et je n’espère pas faire le tour des interrogations soulevées en un modeste billet, encore moins y répondre ! J’essaie de regarder et de nommer, et tente de garder la porte ouverte aux ébauches de sens. Mon âme de philosophe cherche encore… Mais si vous en avez l’occasion, allez-y, remplissez-vous les yeux de ces merveilles… Même imparfait, surtout imparfait, l’homme nu est beau.
Eh bien, Nora, la réponse est claire; ce texte m’a donné envie de visiter cette expo malgré qu’il ne lève pas le doute sur une de mes interrogations: y a-t-il une vraie représentation du nu masculin digne de ce nom dans l’histoire de l’art? En d’autres termes, n’a-t-on pas cherché quelques éléments périphériques pour les rassembler? Et, puisqu’on en est aux questions, n’est-ce pas une manifestation de cet égalitarisme obligé que j’admets malgré son caractère contraignant? Tiens, au fait, ici, n’aurait-il pas mieux valu, sur le thème du nu, comparer la représentation du nu masculin et du nu féminin dans l’art, pour montrer que justement, cette égalité que nous proclamons reste à venir et débarque à peine?