Avant le jour, après le sexe, prendre un café avec les hommes que j’aime est toujours d’une farouche intimité. La peau encore fragile de la nuit ou du plaisir, les yeux éblouis, la mèche rebelle, cet espresso d’après sexe est toujours délicat et silencieux. Je ne suis pas bavarde quand j’aime. Je serais même du genre taiseux.
J’ai partagé un café avec chaque homme que j’ai aimé. Noir, sans sucre, toujours. Le “Alors, café ?” est tellement plus élégant, plus généreux, plus facile aussi que l’atroce “Alors, heureuse” ? D’abord l’orgasme ne suffit pas au bonheur, il en est même parfois absent. Ensuite… La tasse entre les paumes, parfois je me brûle les doigts. Cela réveille les images de désir, des souvenirs ou des envies, des aspirations, votre sexe entre mes mains. Il y a cet instant où les corps ont parlé, mes yeux ou ma bouche vous ont dévoré, il ne reste plus que le temps des mots. Alors, la laine sur la peau, je vous offre comme un ultime baiser, ce breuvage corsé.
Vos doigts autour de la tasse, comme vos doigts autour de mon poignet, votre bouche qui souffle doucement puis s’entrouvre et se remplit de l’âcre brûlure, comme votre langue entre les nymphes buvait à ma source, mes doigts frôlant vos côtes, et l’humide de votre sexe, votre plaisir salé sur ma peau, mes cheveux emmêlés, nos ondulations incertaines, vos baisers dans mon cou, la musique des draps qui glissent sur vos reins, ces parfums d’humains qui s’aiment, se fondent dans l’odeur grillée et sombre de mon caffe lungo.
Parfois je vous aime assez pour vous côtoyer souvent. Parfois je vous aime de loin, parfois même contre mon gré. Peut-être cet instant volé n’aura pas de suite, comme un émoi inavouable, ou une échappée libre. Peut-être nous reverrons-nous, et peut-être ailleurs, dans des lieux ordinaires, loin de mon lit, nous partagerons un café. Par-dessus la tasse, vous croiserez mon regard. Et sans doute, sachant désormais à quoi je pense, ce que mes doigts savourent autour de la porcelaine brûlante, ce petit goût de sel qui me vient à la bouche, et l’indécente espièglerie de mes yeux bleus, vous rougirez. Et j’aimerai cela plus que tout mot.