Cher Edouard,
Ainsi, tu aimes tant Namur et son Intime Festival que tu t’invites à l’improviste, samedi après-midi, pour nous offrir quelques mots soigneusement choisis, de délicieuses lettres érotiques signées James Joyce, adressées à Nora… Il n’y a pas de hasard, Edouard, le sais-tu ?
Namur, Darling, est une ville foncièrement érotique. Ses ruelles qui s’enlacent, cette rivière qui la traverse pour se jeter dans les bras de son fleuve, son Rops, caricaturiste provocateur et obscène, ses tablées aux joies multiples… A Namur, on goûte l’escargot, Edouard. Oui, l’escargot. On savoure le chocolat de l’artisan d’ici, le vin de là-bas… Et quand le corps, après ces plaisirs de bouche, s’étire et se tend, on le cueille de désir. D’ailleurs, sais-tu que Namur abrite en son sein l’un des plus beaux magasins érotiques de Belgique ? Un endroit délicat et discret, dont le maître des lieux possède ce rare talent : parler de sexe avec élégance et clarté, sans rougir ni défaillir. C’est un antre qu’il te faut visiter, cher Edouard, et je t’y accompagnerai volontiers. Mais je ne me suis pas présentée.
Mon très cher Edouard, je m’appelle Nora, Nora Gaspard. Je suis une écrivaine de l’alcôve. Et je suis Namuroise.
Depuis quinze ans, j’écris des nouvelles et roman érotiques, ici, à l’ombre de la Citadelle, au bord de l’eau. J’aime les pavés de ma ville comme le sexe des hommes. J’aime raconter les chemins du désir, bien sûr, comme la vie, l’existence au rythme des hanches, les courbes au goût de sel et le plaisir d’une femme.
Samedi, tu nous liras James Joyce, le rebelle Irlandais. A Dublin aussi, on connaît la pluie, et les heures sous les draps, en attendant soleil.
As-tu pensé, Edouard, à ces femmes qui dans l’assistance, à ta voix suave, auront le sein troublé, la peau frissonnante et le sexe ému ?
As tu pensé à ces hommes qui des mots de Joyce à Nora goûteront la fantaisie, et resteront assis quelques minutes de trop, à la fin de la lecture, pour reprendre quelque contenance, le chibre dressé par le désir ?
Foutredieu, Edouard, un samedi après-midi, alors qu’on annonce du beau temps, tu nous laisseras pantelants, les reins affamés, les corps chavirés ? Et cette horde d’auditeurs, de spectateurs, va se déverser ensuite dans la ville, et qui sait, chercher un banc isolé, un dessous de pont, un arbre accueillant, et célébrer l’Eros, à sexe bandant ? Et ces femmes … Qui sait, elles t’attendront peut-être à la sortie des artistes, avec dans le regard l’étincelle lubrique, avec le souffle court et le sein tendu, un reste de lait sur les doigts, ces doigts qui alors que tu lisais, titillaient peut être un sexe, le leur ou celui de leur voisin… Ou peut-être resteront-ils tous sagement à t’écouter, respectant cette bienséance locale qui tombe le masque au premier péket.
Tu sais ? Je comprends que tu annonces ta venue en dernière minute. Il faut du courage pour éveiller cet émoi, et plus encore pour sortir le sexe sobre de tel exercice. Il faut de la liberté d’âme pour célébrer la luxure, les reins frivoles et les appétits de chair. Je te félicite, cher Edouard, d’avoir fait ce choix. Samedi, dans le noir, quand les mots de Jim tu raconteras, je serai dans la salle, comme tant d’autres, femmes, hommes, émue par la langue de l’homme posée sur le sexe de Nora.
Je me ré-jouis, Edouard, de t’écouter me raconter le sexe samedi.
Nora Gaspard
Note aux lecteurs et lectrices : Edouard Baer sera à Namur ce samedi 3 septembre dans le cadre de l’Intime Festival. Il lire les délicieuses Lettres à Nora, adressées par James Joyce à sa muse, amante puis épouse Nora Barnacle.