Le carnet

Elle me regarde, son sein lourd porte les traces de sa vie. Est-ce une bouche qui l’a tétée, un homme qui l’a aimée, ou le temps passé, je ne sais. 

Il y a sur sa peau les couleurs, l’orange d’un lit, le blanc du soleil dans tes yeux, il y a le pollen qui la fait rire, il y a cette ligne fine de part en part, qu’il faut deviner plus qu’on ne la voit, et puis le coton doux, et la laine de joie. 

C’est émouvant ce corps de femme, qui s’abandonne à mes yeux sans pudeur, ou si peu : la dignité d’un sourire, une mèche de cheveux pour contraster une épaule, cette épaule qui appelle doigt, bouche ou dents. Le cou garde le souvenir d’autrefois, abaissant les yeux vers la poussière, quand elle regarde trop les étoiles, et les bras qui ont serré les corps des hommes aimés. 

Dans le creux du coude suivre l’arrondi, la taille qu’on enlace, les hanches, courbes de volupté, je pose les mains et puis m’aventure jusqu’aux fesses, j’aime cette matière, dense, forte, la ligne imparfaite mais le globe qui se dessine, ses cuisses s‘entrouvrent et j’observe cette féminité indécente, la chair rosée et le velours, les arabesques sur la peau, la moiteur parfumée. 

Face à moi, elle sourit, accepte l’hommage, et pourtant elle doute parfois, le corps connait les chemins du plaisir, l’instant où elle peut fermer les yeux en confiance, parce que la main qui la caresse explore le frisson doux, la langue qui la goûte connaît les signes de ses envolées, ou le regard qui l’envoûte a l’émoi généreux. 

Alors elle approche un peu plus, et son sein touche le verre, et ses yeux cherchent l’ami, un instant le corps a froid, ou peur, il faut affronter l’image, ouvrir les yeux, accepter les failles comme les fiertés, alors la main revient vers ce ventre brûlant, les reins se creusent et je fais face. Sur le miroir, un peu de buée habille mes errances.




Ce texte est dédié à Jean-François Noville, et à son merveilleux projet “La chambre aux miroirs”. 

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