Dans mon cou, la sueur. Les cheveux humides. Le corps en surchauffe.
Il est là, il regarde. Et en me concentrant un peu, je peux sentir son regard se poser sur l’épaule et descendre le long des vertèbres, vers les fesses pleines qu’il aimera tant.
- Tu le connais ? - Oui. - Tu le connais à quel point ? - Jusqu’à la prostate.
Je ne sais pas comment résumer mieux ce lien sans noeud. Les heures d’apprivoisement, les semaines de séduction, les années de luxure. Ce plaisir toujours au rendez-vous, peu importe la ville, l’âge, le lieu. Aux premiers instants, je n’avais conscience que de la brûlure délicieuse. La goutte salée et le sillon de mes reins, et déjà mon dos se creusait. Son soupir, quand son sexe gonflait à l’étroit dans son jeans. Il a soupiré souvent.
L’enchaînement que je travaille est délicat. Ce basculement du bassin au tempo du piano me renvoie aux nuits moites, aux chevauchées fantastiques, quand les hanches dessinent des infinis autour de son sexe droit. Le métronome suivait la cadence de son balancier de chair, et je tapais du pied, arc-boutée entre son épaule et ses hanches. La souplesse a de ces avantages, parfois…
Il y a cette impudeur du corps qui s’abandonne, à mille lieues du corps sous contrôle du ballet. Retrouver dans la danse l’abandon à la transe, c’est l’oxymore charnel, le plaisir impossible, l’ultime. Par la mémoire des muscles recréer les sensations des extases partagées, et jouir encore de lui, sous ses yeux, sans le toucher.
Etirer la hanche jusqu’au frisson, creuser les reins jusqu’au déséquilibre, s’effondrer de douleur dans le plaisir… Reprendre corps, c’est bon.
Alors il a enlevé ses chaussures, s’est avancé sur le tapis. Il s’est accroupi à côté de moi, a passé sa main sous mes seins, m’a redressée contre lui. Et, de la pointe de la langue, a suivi le chemin de la goutte de sueur, de la racine des cheveux à la rosace de mon cul.
- Qu’as-tu fait ? - J’ai écrit, j’ai dansé, j’ai vu ma famille. J’ai reçu beaucoup d’amour. - Je vais encore te baiser, tu sais ? - Oui. - Et ça arrivera encore, tu sais ? - Oui.
En partant, il m’a embrassée, les mains autour de mon visage, sans demander, sans sourire, sans douter. Un jour, j’ai donné tout ce que j’avais, et je suis devenue son jardin, une terre infertile, un glacier dans le désert.