Puisqu’on finit toujours par parler de sexe, et encore et toujours mue par la nécessaire sincérité, voici ce qui me questionne. Ce n’est pas un secret, ma maladie, comme beaucoup d’autres, pose d’énormes difficultés articulaires. En gros, manipuler mon corps, c’est aussi surprenant que jouer au mikado ; tu ne sais jamais ce qui va bouger. Et crois-moi, quand tu dois interrompre un moment de coït passionné, parce que ta hanche vient subitement de se déboiter, ou abréger un cunnilingus gourmand parce que ta mâchoire est bloquée, ca t’oblige à revoir ton imagerie sexuelle, à être inventive sur les positions, les jeux, les approches. Certes, ma chute de reins est vertigineuse, mais mes chutes faute d’équilibre le sont aussi. Bref, la maladie, ça te change le sexe.
Et hier donc, j’ai passé cette merveilleuse soirée en terrasse, avec l’amie que je vois peu, quatre fois en dix ans. Chaque rencontre est une fête, un moment d’une intimité rare, où, pour deux silencieuses, on parle vraiment beaucoup, et directement de ce qui touche au plus profond de soi.
Cet aparté sur l’amitié me semble essentiel , ne t’impatiente pas lecteur, j’en reviens au sexe.
Nos discussions ont forcément convergé vers cette question de l’intime. Quand on se voit si peu, et selon nos vies étonnantes, le corps change, chacune pour ses raisons. Et platement je m’interroge. Si nos amis sincères s’adaptent de nos évolutions physiques sans en être affectés outre-mesure, qu’en est-il de nos partenaires sexuel.les ?
Est-ce plus épanouissant de partager le sexe avec quelqu’un qui connaît la situation, et va craindre de nous blesser à chaque mouvement un peu brusque, à chaque changement de position ? Comment garder place pour la spontanéité, l’exploration, les choses nouvelles, la prise de risque quand on a peur de faire mal à chaque mouvement, ou qu’on est juste déconcerté par le corps de notre partenaire ?
A contrario, n’est-ce pas plus facile de collectionner les aventures, sans devoir justifier les coïtus interruptus medicinalus ? Avec un peu de chance, y’a bien l’une ou l’autre conquête qui s’y prendra bien, non ? Et si le corps n’est pas à la hauteur, on s’en fout : on ne se reverra pas.
Avec un nouveau partenaire, vaut-il mieux prévenir, quitte à briser la spontanéité du geste ? Croiser les doigts et espérer que tout reste à sa place ? Diriger l’acte d’autorité pour sécuriser, l’air de rien, sans pouvoir s’abandonner à l’insouciance ? Devenir chef d’orchestre d’un plaisir millimétré ?
Bref, comment on gère la différence physique, le handicap, la douleur non-choisie, pendant le sexe ?
J’ai toujours été convaincue qu’un partenaire de jeu ne se juge pas au premier coït – le stress, la pression de la performance, l’inconnu.e à apprivoiser, le corps à apprendre – mais au deuxième. Mais quand le premier essai est catastrophique, suite à toutes ces complications involontaires, faut-il persévérer ? Parfois je doute.
Et vous, qui êtes peut-être cet autre face à un corps différent, ou le corps particulier qui cherche encore son propre mode d’emploi, comment préférez-vous aborder l’intimité et le sexe ?
PS : Je crois bien qu’on en parlera au prochain Love & Sex Festival, de ces rapports complexes entre corps, maladie et désir/plaisir. Vous avez des idées ? Des questions ? Un avis ? Une référence à partager ? Parlons-en !
Je pense qu’il y a un nécessaire apprivoisement du corps de l’autre. Que cet apprivoisement peut être plus ou moins rapide, qu’on peut plus ou moins avoir envie de faire l’effort (parfois long) de réaliser cet apprivoisement.
Je pense aussi qu’il y a deux situations très différentes (et que l’une n’est pas plus facile que l’autre)… apprivoiser le corps d’une nouvelle rencontre, bousculer ses habitudes, ses idéaux physiques et esthétiques, et réapprivoiser le corps d’une personne déjà connue, mais dont le corps a changé (âge, maladie, accident, poids, formes, grossesse…).
Dans les deux cas, ça peut se faire naturellement (je pense en particulier qu’une forme de “communion des désirs” peut porter la dynamique, faciliter l’apprivoisement mutuel) ou de façon plus délicate s’il faut trouver des repères là où on n’en a pas, érotiser une esthétique corporelle à laquelle on ne s’attendait pas ou qui ne correspond peut-être pas (plus) à ce qu’on peut trouver attirant en première approche…
De façon générale, je trouve que (re)découvrir l’autre peut-être une aventure passionnante, à faire à deux. Qu’il n’y a pas de corps “laids”, mais qu’il peut y avoir du temps à prendre. Qu’apprivoiser le corps de l’autre, c’est bien souvent apprivoiser sa propre perception qu’on en a. Et que même s’il peut parfois y avoir un effort à faire, ça ne doit jamais devenir une contrainte (il y a des âmes, des corps, des esprits avec lesquels la construction de la relation ne se fait pas ; ce n’est pas grave, je pense 🙂 ).
Bonjour Nora.
Apparemment, vous semblez abandonner la case “sentiments”,
autant pour vous que pour vos partenaires.
Le sexe est bien sûr, indispensable, pour chacun(e). Du moins,
c’est ce que je pense.
Je n’ai pas d’handicap quand je le pratique, et aussi, c’est facile d’en parler ainsi,
c’est vrai. Mais, je pense qu’il faut parler du vôtre à votre partenaire, car, il (elle) pourra, peut-être, y mettre de la douceur, de la compréhension, à votre blocage. Et recommencer, une prochaine fois.
L’amant, l’amante ( je fais référence à votre cunnilingus) ne sera plus d’un jour, peut-être, et vous aidera à avoir l’orgasme tant espéré et partagé. Une jouissance se partage.
Je veux dire par là, que si vous avez un problème lors de l’acte, dites à votre partenaire masculin ou féminin de se masturber devant vous. Il (elle) trouvera le septième ciel pendant quelques secondes, et vous donnera aussi du plaisir.
Il (elle) vous dira ensuite, que vous trouverez l’extase commune, à un prochain rendez-vous.
Déçu de n’avoir pas pu lire la réponse de l’amie à cette conversation.
Bonne journée, Nora.