Je te dessine le corps pour mieux t’imaginer. Je regarde tes fesses dans la nuit noire, les illuminations lascives n’ont de couleur que sur ta peau. Je trace au pinceau les reliefs de ton sexe, et ton ventre s’anime, bleu, orange, et ce n’est même pas fait pour être beau. Je suis une ombre sans paroles, une bouche douce aux mains exploratrices et aux yeux fatigués. J’ai goûté à ce corps, et je l’ai caressé, du rouge sur les mains, du bleu dans les oreilles. J’ai déchiré les mots parce que je ne sais plus parler.
Tu poses derrière la toile. Tu frissonnes, et je ne dessinerai pas cette peau glabre, ni ce teint pur. D’ailleurs ma main tremble, la courbe de tes fesses est ronde… Je la retouche d’un coup de gomme… Du pouce, j’estompe et écrase la chair comme sur le papier, je la modèle et la transforme. D’un trait de pinceau noir sur la lune blanche, je sculpte, et pétris, donne vie à la peau, et la toile s’efface. Je crayonne des lambeaux de chemin, entre les côtes, autour du cou, des entrelacs de pastels, je te noie de vert bleu gris sur le nacre, du jaune aux angles, et du mauve aux courbes. Je creuse les à plat du dos, remet des ombres sur un corps trop lisse des attentes policées. Ce corps, ton corps, je te le rendrai, demain, plus tout à fait le même, pas encore un autre.