Tu sais, le ciel est blanc. Et les arbres hésitent encore entre vert et jaune, et les murailles grise et suie. L’eau s’écoule tantôt brunâtre tantôt noire.
Si tu étais peintre de talent, tu poserais tes yeux ici, et la symphonie des couleurs te prendrait au creux du ventre pour te faire aimer la lune.
Si tu étais graphiste, ces textures magiques nourriraient tes inspirations, à coup sûr tu serais l’as des vectorielles et des motifs sans raccords.
Quand tu viens d’ailleurs, qui que tu sois, ce paysage t’imprime de sa majesté, de ce grandiose du génie humain associé à la magie de la nature.
La terre, l’eau, la pierre… Tout.
Ce paradis, c’est chez moi. J’ai grandi là, entre les pavés glissants et les chemins de halage, au bord d’une rivière autrefois riche d’industrie, dans des quartiers où l’Italie des vieilles dames chantait entre les fenêtres, où les bateaux drainent ferrailles et graviers, où les ponts abritent les amoureux qui s’aiment à la sauvette et les tags des jeunes qui crient en silence.
Ici les araignées ont la taille du poing, et rentrent l’hiver venu se réfugier dans les maisons des rives. Le soir, les pipistrelles dansent sur l’eau, comme ailleurs les oiseaux, le héron sort le dimanche seulement.
Quand la vie me chahute, c’est ici que je m’assied. Demain encore la rivière coulera, les péniches feront trembler mes fenêtres, et le chat sera fasciné par les pigeons. Les amoureux sur le banc porteront d’autres noms, mais leurs frissons maladroits seront les mêmes.
Demain, l’arbre aura tranché, entre le jaune et l’orange.
Les mots tombés du lit, comme de la vraie vie, comme par la fenêtre, comme racines ou terre.
Très beau !
A mon sens, plus beau que toutes les histoires de sexe qui peuvent être écrites…