Mes pas résonnent sur le béton. La pénombre des lieux me rassure. Je suis à peu près sûre que personne ne nous a vus. Entendus, peut-être. Et alors ? Le plaisir des uns nourrit l’appétit des autres, non ?
David avait été très clair : Mission prioritaire. Tu viens au stade en voiture. Tu portes une robe sous le genou. Et tu portes ta culotte rouge, celle en dentelle.
A chaque pas, mon sexe frotte sur la couture du bout de tissu fétiche. La chaleur fait le reste : mon sexe exhale cet étrange parfum salé au goût d’agrume, comme les embruns de plaisir.
Dans mon poing serré, la clé de mon véhicule de fonction, une petite anglaise old school. Ca oblige à faire des choix : c’est clair, Thibaut Courtois ne rentrera jamais dans cette voiture. Mais elle a le toit ouvrant, et ça, pour le sexe sans lit, c’est précieux. Par contre, pas de vitres teintées, je ne peux compter que sur la buée. Cela ne m’a jamais empêché de remplir mes obligations avec plaisir et discrétion.
Sur la banquette arrière, un drapeau belge, une paire de baskets, une bouteille d’eau, un livre de philo. Je farfouille sous le fauteuil, en quête d’un peu de désinfectant : cette écorchure exige des soins. Quelle idée, aussi, de sourire aux garçons tristes dans les parkings. Et surtout, de défier la surveillance pour quelques minutes de plaisir volé, les reins creux, et les genoux sur la banquette. Mais l’homme était joli, bien qu’un peu jeune, et son équipe avait été éliminée la veille. C’est plus fort que moi, quand je croise des supporters dépités, il faut que je les console. La levrette sauvage se prête particulièrement à ce genre d’exercice. Et quand la main du jeune homme a poigné dans mes cheveux – merde, mon brushing, bébé -, j’ai souri. Quand il a joui dans un grand juron germanique, j’ai su qu’il allait déjà beaucoup mieux.
Direction la tribune. David m’attend, installé dans les inconfortables fauteuils en plastique, l’éternel carnet de notes sur les genoux. Il regarde ma bouche en souriant.
– Tu es en retard, et décoiffée. Je veux tout savoir. Raconte-moi. Dans les moindres détails.
– J’arrive tout juste du parking. Un Autrichien qui avait l’oeil larmoyant. Je n’ai pas pu résister. Mais j’ai fait attention aux caméras, et j’ai choisi le recoin opposé à l’ascenseur. Et nous nous sommes désinfecté les mains, après.
– Classique. Un genou en sang, c’est cher payé pour un supporter. Et ta mission du matin ?
– Un Français, au sortir de la douche. Il s’appelle Antoine, je crois. J’ai fait un peu plus que le service minimum, et il a aimé ça. Il se pourrait qu’on se revoie dans quelques jours.
– Mais pourquoi lui ? La France, ce n’est pas prévu pour tout de suite !
– Oui mais tu sais, les Français sont plutôt endurants. Il faut s’y attaquer avec stratégie et prévoyance.
– Tu es incorrigible. Et pour ce soir ?
– J’y vais, j’y vais. Ne me mets pas la pression. C’est pas facile, tu sais, la reprise, tout ça. Ils sont à la fois surexcités et totalement paniqués. On joue gros, là. On pourrait même gagner. Mais un seul faux pas, et c’est foutu. Les paparazzi sont au taquet, les entraîneurs plus suspicieux que des futures mariées. Franchement, parfois, je me demande si je ne demanderais pas ma mutation pour un sport individuel genre tennis ou natation.
– Tu veux raccrocher ?
– Je ne sais pas. J’ai appris toutes les règles de hors jeu, ce serait dommage de renoncer maintenant. On pourrait me transférer dans l’équipe qui s’occupe de distraire les arbitre, non ? Tu as vu le référé de ce soir ? Je pourrais faire du bénévolat, pour une mission comme ça.
– On y réfléchira. T’as vu l’heure ? Il te reste à peine deux heures pour t’occuper du Portugal. Tu peux y arriver ?
– J’aurais besoin de renforts. J’emmène Denis, il trouve toujours le moyen de contourner la sécurité, et il pourra m’exfiltrer dans les temps. Je pensais attaquer en vertical, dans l’ascenseur, ça exige pas mal d’effort des jambes et des reins. Et le finir à main puis à bouche.C’est pas mal pour fatiguer l’adversaire, qu’en penses-tu ?
– Très bien. Fais ce que tu veux, mais épuise-moi cette défense. Je t’attends ici, pour chanter la Brabançonne. Et n’oublie pas ta culotte, bordel.