Il y a quelques semaines, j’ai eu l’occasion de participer à la première séance photo de la campagne #Bodypositiveattack, initiée par une très belle personne, Lolly Wish.
Lolly, vous l’avez déjà croisée dans mon univers : elle avait animé avec brio un atelier lors du #Love & Sex Festival 2019, et avait relevé de sa présence très glamour le Cabaret des Mots Velours que j’avais créé pour l’occasion.
Lolly, c’est surtout une femme d’une force incroyable, d’une volonté hors pair, qui emmène les autres dans ses aventures avec générosité et talent. Meneuse de revue au Crazy Horse, modèle pour Pierre et Gilles, artiste complète et coach fabuleuse… Elle est tout ça, Lolly. Et surtout, elle défend une liberté pour chaque femme à être ce qu’elle veut, avec audace et sublime.
Quand elle a lancé ce casting sur les réseaux sociaux, je me suis dit qu’il était peut-être temps d’être ouvertement et librement moi, l’auteure de belles fesses, la twitta coffee addict, la femme aux courbes amples et aux yeux rêveurs. Pourquoi maintenant, alors que la maladie et les médicaments ont abîmé mon corps ? Justement pour ça. Parce que la vie ne s’arrête pas à cause du handicap. L’amour, la sexualité, l’audace et la créativité non plus.
Bien sûr, ce corps est plus difficile à assumer dans cette société qui norme tout. Mais tu sais ? Il est capable de bien des plaisirs encore. Et mon travail d’autrice n’en est que plus sensible et plus riche, depuis que je traverse d’autres chemins, moins fréquentés.
J’ai photographié pas mal d’hommes nus, dans le cadre de mon projet HuMan Skin. Des grands, des petits, des glabres, des timides, des troublants, des discrets, des expansifs, certains avec une folle confiance en eux-mêmes et d’autres qui avaient besoin d’être rassurés, ou de découvrir un autre regard sur leur corps. Je sais combien c’est une épreuve d’assumer son corps face à l’autre, avec ses qualités et se défauts, et d’espérer que le ou la photographe verra cette étincelle qui nous habite, trouvera la beauté que nous-mêmes recherchons dans nos égoportraits filtrés et contrôlés. Je sais aussi que mes photos ont parfois aidé l’un ou l’autre à faire la paix avec son propre corps.
Mais cela ne m’aidait en rien à faire pareil. Cela fait 20 ans que j’écris, sans visage. Longtemps, je me suis cachée, parce que j’étais en guerre avec mon apparence. Parce que je pensais qu’accoler mon image à mon personnage nuirait à l’imaginaire de mes lectrices et lecteurs. Tu sais ? Ce sont des foutaises. Tout est une question de rapport à soi. Oui, la maladie, les médicaments, les blessures, la maternité, la vie, la gourmandise aussi, m’ont changée, et oui, cela est difficile à accepter. Aujourd’hui, après un long chemin, une traversée des enfers et des années de doute sur ma propre valeur, je suis prête à dire avec fierté …
Bonjour, je suis Nora Gaspard. J’ai 45 ans, je suis écrivain érotique, je suis atteinte du Syndrome d’Ehlers Danlos et je suis cette femme sur la photo, ronde, douce, sensuelle, et belle à ma façon.
Qui de mieux que Lolly pouvait m’emmener sur cette route ? Personne. Je ne l’en remercierai probablement jamais assez. Nous ne pourrons pas effacer ces années à se cacher par honte d’un physique que je rêvais plus standard.
Mais nous devons, nous, femmes, mères, amies, donner à nos filles, à nos soeurs, à toutes, la liberté d’être ce qu’elles sont ou qui elles veulent, en confiance, la tête haute, peu importe les rôles, les attentes, les mensurations que d’autres considèrent comme nécessaires. Nous leur devons, et nous le devons aussi à nous-mêmes.
Cette journée d’été, trente femmes magnifiques ont posé dans une superbe maison boudoir, avec confiance, respect et audace.
Et je suis infiniment fière d’être l’une de ces femmes extraordinaires.
La musique qui m’accompagnait pour écrire ce texte : Aretha Franklin, Respect, Think (Freedom), A Natural Woman