La difficulté, quand on quitte un domaine bien maîtrisé pour partir en roue libre, c’est ce premier mot, cette première phrase, qui donnera le ton, ou pas, la couleur, la liberté du propos.
Alors on dira que ce premier texte ne compte pas, que ce serait un avant-propos de choses pas encore dites, de ces étapes du doute, timide et pourtant, quand on s’apprête à changer quelque chose, à tenter une aventure inconnue, à construire des châteaux ailleurs qu’en Espagne.
Après plus de 250 histoires de désirs, de sexe, de plaisirs, de caresse, de nuits, de jours, de fantasmes et d’oubli, j’ai envie d’autre chose aussi. Non pas que je n’aime plus l’érotisme, entendons-nous bien. Je n’arrêterai jamais, je crois, de tenter de mettre les mots sur le beau, de chercher à rendre l’émotion sans trahir, d’ouvrir des portes d’exploration, d’aimer et de dire.
J’ai juste autre chose à dire. Aussi. A côté, ou en complément, comme des bulles de vies au-delà du désir, des petites et grandes joies, des perles de beau cachées sous l’ordinaire, tu sais, quand ta môme te trouve belle parce que tu as mis des talons, quand ton gâteau est bon, quand le soleil chatouille l’arbre d’en face, quand l’ami te sourit après les claques.
Souvent j’ai eu envie de lancer tel ou tel projet, d’investir mon énergie dans des combats plus ou moins perdus d’avance, dans des créations fantaisistes, des débuts de roman inabouti, des recettes de cuisine expérimentale, des méthodes pédagogiques parfaitement iconoclastes, des dictionnaires de mots à inventer, des blogs à trois billets. Il y a là un amas de trucs, de riens, de “tchiniss” comme on dit par chez moi, inutiles car inconnus, et inutilisables dans mon autre vie.
Alors ils atterriront ici, sans manière, comme des accidents créatifs, des mots tombés du lit.
Voilà, je crois que je la tiens, ma première phrase.
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