Le sexe dressé sous mes yeux est une merveille du genre. Large comme deux bons doigts, veiné comme le bois, il présente un gland dénudé et luisant, d’un rose presque rouge du plus bel effet. La texture est soyeuse, le poil entretenu, l’homme immobile.
Entre mes cuisses, le sang pulse, gonfle mon clitoris. Je serre légèrement les fesses, pour prolonger ce fugace plaisir.
Il pleut depuis le matin, ma chemise colle à la peau, mes cheveux sentent le chien mouillé. Trois mois d’isolement m’ont laissée le poil en bataille et l’œil torve, le ventre creux de viande et de chair.
J’ai faim.
Pas une fringale, qui se satisferait d’une rapide fornication les seins plaqués contre la douche, non.
Une faim qui prend aux tripes, qui tord le ventre. Une faim qui me ferait embrasser un inconnu dans la rue, au coin du parc : Oh Monsieur, je vous trouve très beau, je peux vous embrasser ? et pan ma langue dans sa bouche.
Une faim qui donne toutes les audaces et me ferait mélanger mes humeurs avec le charmant garçon de l’épicerie, dans l’arrière-boutique, ses lèvres juvéniles sur mes tétons larges, ses cheveux d’ange, explosion sourire.
Une faim comme on pêche au gros, comme on se lance sur un menu cinq services, une faim comme le ventre moite et les seins tendus, comme j’ouvre les cuisses pour soulager l’urgence, à bouche, à cul.
Une faim à rugir, et s’empaler sur un poing, pour apaiser l’âme autant que l’espoir, pour crier de plaisir sauvage, tendre la fesse, le cou, et puis s’oublier dans la fange et les parfums salés.
Ça décharge dans ma tête. Les souvenirs lubriques. La vie d’avant, les corps qui se cherchent longuement. Le rythme des reins, la curiosité des bouches, les sueurs emmêlées et le goût de l’extase.
Puis le grand silence, et les mois solitaires, les sexes factices, la peau d’écran. Les images faciles, les jouissances honteuses, et parfois une voix humaine pour voyager vers des râles qu’on espère synchrones.
Puis maintenant. Ce sexe droit, j’en rêve depuis des mois. Cette envie rude d’enfoncer mes doigts dans sa bouche, de jurer pis que pendre, d’embrasser ses reins, de sentir couler son sperme hors de mon ventre. De se réveiller à l’aube bleue, de m’empaler sur sa queue, de rire au nez du monde, vivants.
Nous n’avons pas bougé. Comme sidérés de la rencontre, de ces incongrues retrouvailles avec la faim, le jus. Il y a longtemps que je n’ai vu de si beau membre, cette courbe parfaite, cette tête amanite… Je repousse mes lunettes sur le nez, d’un geste automatique et relève la tête. L’homme au bout du sexe me regarde en souriant. Ce qu’il peut être laid ! Il me plaît. Il sera parfait.
– Vous permettez ?
– Je vous en prie.
J’enroule lentement mes doigts, juste en-dessous du gland. C’est tellement doux, je ne veux plus bouger. Je veux juste rester là, à genoux, la main sur le sexe de cet homme, et goûter la fin de l’enfer.
Ce texte fut écrit le 19 décembre 2020, dans le cadre du Prix de la Nouvelle Érotique des Avocats du Diable.