Agoraphil(l)e

Elle est perdue dans la  foule. Que des visages inconnus, souriants, chaleureux même, mais inconnus. Le soleil de l’après-midi qui s’achève provoque chez cette masse aux milles visages une douce langueur d’été. Les corps s’allongent dans l’herbe, d’autres escaladent les murailles, certains se réfugient sous les quelques arbres qui habitent la plaine. Les t-shirt sont humides, les reins moites. C’est l’heure bleue avant la nuit, personne ne dort.

Une main frôle son corps. Une main fraîche, douce, lisse, qui contraste totalement avec cette torpeur estivale. Elle se retourne. Rien. Personne. Enfin, personne ne sourit, personne ne lui sourit, ne la regarde, dévoilant une complicité ou une gêne quelconque. Elle reprend la lecture de son ouvrage. Le rouge aux joues, car quiconque se pencherait sur les lettres de sa page découvrirait ce qu’elle lit, perdue dans la foule. Pas du porno, non, juste un petit livret qui titille ses sens et provoque en son corps des réactions de désir teinté de honte. Sa peau frissonne, ses seins se tendent, personne ne le voit mais elle, elle se sent nue au milieu de ce monde. Un frôlement encore, dans le creux de ses reins. Elle ferme les yeux. Comme une décharge électrique. Une main se glisse dans la sienne, et l’entraîne, loin des autres, dans un de ces recoins de campagne ou tout peut arrive. Et bien sur, tout arrive. Elle garde les yeux fermés. Plus beau de rêver que de se confronter à un visage qui peut-être ne lui plaira pas.

La main se fait ferme maintenant, englobant son sein sous sa blouse. Elle se sent rougir, et frémir aussi. Son mamelon dur est enrobé d’une langue fraîche, presque froide. Des parfums de cassis sillonnent l’air. On lui retire sa chemise,  son soutien-gorge. L’air tiède sur sa peau, un baume. Un bruit de tissu qu’on chiffonne, qu’on enlève. Elle explore du bout des doigts cette peau proche de la sienne. Une peau douce, délicate, laiteuse. Le dos est musclé, mais pas trop. Elle sent sous ses doigts les omoplates qui jouent, la colonne qui se délie, les muscles qui se détendent. Un ventre doux et chaud s’approche du sien. Elle explore le nombril, compte par jeu les côtes, et, avec une infinie douceur, caresse les seins de l’inconnue.

Enhardie par les réactions de sa partenaire, elle laisse glisser ses mains vers son ventre, ses cuisses et pose sa bouche sur ce sein rond et ferme. Sa langue et ses lèvres entament un voyage exploratoire de ce corps à la fois si ressemblant et si différent… La peau salée, le ventre ferme, la cuisse galbée. Le sexe de l’inconnue l’attire, comme un aimant puissant. Elle embrasse délicatement la chair rosée, donnant à l’autre ce qu’elle-même aime recevoir. Visiblement avec succès. Une main lui caresse les fesses, l’invite à recevoir en retour le plaisir qu’elle vient de donner. Elle s’allonge dans l’herbe. La nuit traverse ses paupières closes, le plaisir qu’elle ressent l’envahit totalement. Elle a envie de découvrir le visage de celle qui la fait trembler si fort, avant d’aller plus loin dans l’exploration de ces bonheurs saphiques.

Elle ouvre les yeux. Elle n’est pas surprise. Bien sur, ça ne pouvait être personne d’autre. Elle approche son visage du sien, lui sourit, l’embrasse. La nuit ne fait que commencer…