Je ne le connaissais pas, peu. Nous avons échangé trois mots lors de notre première rencontre. J’étais l’admiratrice. Il était brillant.
Aujourd’hui nous devisons, avec le plus grand sérieux. Il me raconte la sagesse de l’homme, comment sa route l’a mené au bout du rêve, comment le temps coule entre ses doigts, comment s’offrir deux heures de liberté est un luxe dans sa vie.
Ses mots m’emportent comme une rivière de soie. Le monde est soudain plus beau, la joie se glisse sous mes pas. J’écoute l’histoire, l’esprit s’emballe, je construis les souvenirs. Je ne sais à quel moment ça s’est joué. Quand il a rougi ? Quand il a souri ? Quand il s’est tu un peu trop longtemps ? J’ai repris mes questions, avide de comprendre, de me remplir de ses idées, être l’éponge du sens, guetter l’espoir dans le monde barbare. Je guette la fragilité dans sa voix, l’homme qui s’égaie de quelques pensées folles. Est-on toujours sérieux, à cette heure-là ?
La moiteur. Je tressaille, je suis sûre que mon désir se voit, qu’il me devine et sait déjà. Je rosis, j’ai chaud, j’hésite. L’occasion, l’audace, je peux, je veux être tout cela.
Sous la table je glisse la main, du genou vers la cuisse. L’étoffe est belle. Il y a de l’Ecosse dans ce drap de laine, et la lavande embaume.
Sous mes doigts, son sexe est magnifique. Doux, velouté, légèrement courbe. Et dur comme du bois.
Au léger vibrato d’émotion, j’ai pressé plus fort la tête humide, enroulant ma paume autour de son gland.
Quand il s’est tu, j’ai fermé les yeux.
Le serveur a apporté les plats. J’ai essuyé mes mains dans la serviette de coton mercerisé, bu une gorgée de vin blanc, et goûté ce plat bruxellois que j’aimais tant.
Il nous restait une heure encore, une heure seulement.